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1916 – I - VERDUN - b

BATAILLE DE VERDUN - b

CUMIÉRES

Après six jours de repos, l'ordre arrive: il faut à tout prix arracher la victoire aux Allemands. Comme à Chapton, comme à Ypres, le 94ème est disponible. Et, dans la nuit du 8 au 9 avril, il gagne Cumières et le bois des Caurettes. Les reconnaissances sont à peine terminées, le 9 au petit jour, qu'un bombardement d'une violence inouïe commence; chacun prend son poste de combat: le 1er  Bataillon (Commandant Sauget) en avant de Cumières, le 3ème  Bataillon (Commandant Gambert) en avant du bois des Caurettes, le 2ème  Bataillon (Commandant Chivot) en soutien à Chattancourt et la Station.

A midi, les Allemands se portent en masse à l'attaque et arrivent sur les premières tranchées bouleversées et les trous d'obus où les 1er et 3ème Bataillons leur infligent des pertes sanglantes et finalement les rejettent dans leur base de départ.

En avant du bois des Caurettes, notamment, une brillante contre-attaque réussit, grâce à l'attitude du Sous-Lieutenant Dousset (1) et de l’Adjudant Maureaux (2), et fait 45 prisonniers, dont 2 officiers. (1)

Le Sous-Lieutenant Dousset est fait chevalier de la Légion d'Honneur: « Officier d'une grande bravoure et d'un remarquable sang-froid. Déjà cité pour sa belle attitude au feu. Le 9 avril 1916, a entraîné ses hommes à la contre-attaque avec un brio incomparable; a chassé l'ennemi des éléments de tranchées où il avait réussi à prendre pied, lui faisant une vingtaine de prisonniers ». (2) Citation de l'Adjudant-Chef Maureaux, 12ème  Compagnie : « Sous-officier d'une rare bravoure, très calme en toutes circonstances et ayant un grand ascendant sur ses hommes. Le 9 avril 1916, après un bombardement très violent, a soutenu avec sa section très diminuée deux assauts successifs. A maintenu l'intégrité de son front ».

Au Mort-Homme, le 8ème   Bataillon de Chasseurs est débordé et le 2ème Bataillon du 94ème doit venir à la rescousse. En cours de mouvement la 6ème Compagnie perd tous ses officiers. Un Lieutenant du 1er Bataillon (Lieutenant DUBOIS), après en avoir pris le commandement, est grièvement blessé (1). Mais tous ont rivalisé d'ardeur: le soldat GAGNEUR de la 11ème  Compagnie, aussi brave que modeste, s'offre spontanément pour diriger une équipe de grenadiers et contribue par son énergie et son entrain à la reprise d'une tranchée. L'attaque est enrayée. (1) Le Sous-Lieutenant DUBOIS est fait Chevalier de la Légion d'honneur: « Officier d'une rare énergie, dont la bravoure n'a d'égale que la modestie. Chargé d'assurer le commandement d'une Compagnie aux prises avec l'ennemi et qui venait d'avoir ses officiers mis hors de combat, s'est employé dès son arrivée à maintenir l'ordre et a été atteint de trois blessures dans l'accomplissement de sa mission. Déjà blessé deux fois ». Tué à l'attaque du 20 août 1917.

- Le 10 avril, le Colonel recevait le message suivant:

« Le Général commandant l'Armée et le Général commandant le Corps d'Armée adressent aux troupes de la 42ème Division toutes leurs félicitations pour le magnifique effort accompli dans le combat du 9 avril. »

- Le 11, l'ordre du jour du Général Pétain est lu à tous: « Le 9 avril est une journée glorieuse pour nos armes. Les assauts furieux des soldats du Kronprinz ont été partout brisés. Fantassins, Artilleurs, Sapeurs et Avia teurs de la IIème Armée ont rivalisé d'héroïsme

Honneur à tous !

Les Allemands attaqueront sans doute encore. Que chacun travaille et veille pour obtenir le même succès qu'hier. Courage ! On les aura ! »

Le 15 avril, le Régiment est ramené à l'arrière et cantonné à Fains et Varney (à 4 kilomètres de Bar-le-Duc), où il reste jusqu'au 6 mai.

C'est la première fois que le Régiment se retrouve près de sa garnison et on en profite pour remettre une série de récompenses et passer sur le boulevard de la Banque une revue du Régiment, au cours de laquelle la Municipalité offre un bouquet au Drapeau.

LE MORT-HOMME

- Le 7 mai, le 94 e est emmené en camions et débarqué à Blercourt. Deux Bataillons montent en secteur au Mort-Homme, le 3ème en première ligne et le 2ème à l'ouvrage des Zouaves, devant Chattancourt. Le 1 er est en réserve au camp des Clairs-Chênes.

Le13, relève à l'intérieur du Régiment : le 3ème  Bataillon passe en réserve.

- Le 19, c'est le 2ème Bataillon qui redescend en réserve. Le 3ème  est en soutien, le 1er en ligne. Pendant toute cette période, la lutte d'artillerie est toujours violente. Qui oubliera le passage du bois Bourrus et de la ferme La Claire? Pistes sans cesse marmitées par obus de tous calibres et obus asphyxiants; boyau 2, de Chattancourt au Mort-Homme, continuellement bouleversé et qu'avec une inlassable patience rétablissent chaque nuit les pionniers et les Compagnies de soutien.

Encore une fois, au lendemain d'une relève, l'attaque allemande est déclenchée, après un tir  d'écrasement de 210 et de minenwerfer (un par seconde, environ). Le centre et la gauche du secteur sont plus particulièrement éprouvés: la 4ème  Compagnie perd dans la matinée du 19 ses trois officiers (1) et le Sous-Lieutenant THIBAUT (1ère Compagnie) en prend le commandement. Le bombardement est ininterrompu, causant de grandes pertes, bouleversant les tranchées de premiè re ligne et la ligne de soutien, détruisant les défenses accessoires, démolissant tous les abris. (1) Citation du Lieutenant FABEcommandant la 4ème Compagnie : « Jeune officier d'un moral élevé qui a donné en maintes circonstances l'exemple de la bravoure calme et du sang-froid réf1échi. Commandant une Compagnie depuis six mois.

Tué le 19 mai 1916, alors que, dans la tranchée, il exhortait au calme ses hommes soumis à un bombardement d'une violence extraordinaire par minenwerfer et obus de tous calibres. Peu d'Instants avant sa mort, il écrivait à son Chef de Bataillon : « Malgré les pertes, nous tiendrons jusqu'au bout »

Vers 17 heures, on voit les Allemands mettre baïonnette au canon et quelques hommes sortent des tranchées, où ils rentrent aussitôt, grâce à l'effet des feux d'Infanterie, de mitrailleuses et par suite de l'entrée en action de l'artillerie.

Après cette tentative infructueuse, le bombardement redouble d'intensité jusque vers 20 heures.

Les pertes du 1er  Bataillon étaient d'environ 120 hommes, tués, blessés ou contusionnés. La nuit est mise à profit pour réorganiser les tranchées complètement bouleversées, replacer les défenses accessoires et rétablir l'ordre dans les autres. En raison du faible effectif, aucune corvée de ravitaillement n'est envoyée: seuls quatre hommes par Compagnie vont chercher de l'eau.

- Le 20 mai, vers 1 h. 30, le bombardement, qui s'était ralenti pendant la nuit, reprend toute l'intensité de celui de la journée précédente. La 4ème  Compagnie, très éprouvée, est renforcée par une section de la 1re Compagnie. Cette action d'artillerie, d'une intensité inconnue jusqu'alors, se continue sans interruption jusque vers 14 heures.

A ce moment, on aperçoit une reconnaissance allemande partant de la tranchée de Hanovre et se dirigeant vers notre première ligne. Cette reconnaissance avance en petites colonnes par un et tente de s'approcher de nos lignes. Reçue par le feu de l'Infanterie et des mitrailleuses, elle rebrousse chemin. Vers 14 h. 30, le mouvement en avant reprend, l'ennemi s'avançant dans la même formation en petites colonnes par un, qui se déploient en abordant la tranchée française. Ces petites colonnes sont suivies de groupes de mitrailleurs portant leurs pièces, puis, un peu en arrière, d'autres groupes de pionniers portant leur matériel.

Devant la Compagnie de droite (2ème ) et la Compagnie du centre (3ème ), les tranchées étant à peu près intactes, les feux de flanc de l'Infanterie et ceux des mitrailleuses, ralentissent leur élan et les obligent à s'arrêter à la crête. Mais à la gauche, la 4ème Compagnie, réduite à une vingtaine d'hommes et dont les tranchées sont nivelées, les défenses accessoires disparues, ne peut arrêter l'attaque. Les deux pièces de mitrai11euses placées avec cette Compagnie, tirant jusqu'au bout, sont submergées et quelques hommes restant, avec 1e Sous-Lieutenant THIBAUT, se replient à droite sur la 3ème Compagnie, ne pouvant assurer la garde des 300 mètres de tranchées qui leur était confiée.

Immédiatement, une contre-attaque, qui avait été prévue, forte de la section de soutien de la 3ème Compagnie et de la dernière section de réserve se déclenche et regagne la quasi totalité du terrain abandonné par une lutte à la grenade, en progressant de trous d'obus en trous d'obus. A 16 heures, la situation est rétablie et un barrage construit à l'extrême gauche, la liaison avec le 151ème  R.I. étant impossible à établir.

L'ennemi, profitant de l'expérience du combat du 9 avril, au lieu de s'infiltrer dans le ravin des Caurettes, avait cherché à gagner les crêtes (cote 295 du Mort-Homme) et s'avançait vers le poste de commandement du Commandant du sous-secteur.

Repoussé par une contre-attaque par les feux de peloton de la 1re  Compagnie, en réserve près du poste de commandement, sous les ordres du Lieutenant FORTIS (Le Lieutenant FORTIS, légendaire au Régiment pour sa témérité audacieuse, est fait chevalier de la Légion d'Honneur pour avoir, à plusieurs reprises, arrêté les progrès de l'ennemi, intervenant chaque fois de la façon la plus efficace, grâce à son initiative, son énergie et sa ténacité.), il se cramponne sur la ligne des hauteurs, où il commence à s'organiser défensivement, gêné dans ce travail par le feu des mitrailleuses et de l'Infanterie. C'est seulement à ce moment que notre artillerie intervient efficacement.

En raison de la situation critique du 1er Bataillon, qui a l'ennemi à la fois devant lui, à sa gauche et presque sur ses derrières, de nouvelles dispositions sont prises: une section de la 2ème  Compagnie est placée en échelon refusé, face à l'Ouest, dans le boyau PROTT, se couvrant par une patrouille dans le ravin des Caurettes; une autre section s'établit dans le boyau 2 et se relie par des patrouilles avec le peloton en réserve près du poste de commandement du sous-secteur.

Pendant toute la journée, le téléphone ayant été coupé dès la matinée, les renseignements avaient été envoyés par des coureurs volontaires, les braves DUCLOS et GALLERNE (Citations des soldats UCLOS-3ème Cie et G GALLERNE-2ème Cie-: « Lors de l'attaque allemande du 20 mai 1916, se sont présentés volontairement à trois reprises pour porter à découvert et à travers un barrage d'artillerie extrêmement violent des renseignements urgents au Commandant du sous-secteur, donnant ainsi un bel exemple d'intrépidité et d'un rare mépris du danger). Grâce à leur dévouement héroïque, permettant de renseigner le commandement, une section de mitrailleuses du 8ème  Bataillon de Chasseurs et une section du 16ème  Bataillon venaient renforcer les deux cents survivants du 1er  Bataillon, épuisés. Encore une fois, l'attaque est enrayée.

Le 3ème  Bataillon, qui a dû rester la journée entière sous un tir d'obus toxiques, est incapable d'un effort; mais il faut attendre de nouvelles troupes et s'organiser pour barrer le ravin des Caurettes, dont les Allemands tiennent la tête. Et ce n'est que dans la nuit du 21 au 22 que le Régiment peut être relevé. De Blercourt, il est emmené en camions à Fains et Véel, où il séjourne du 25 au 29.

- Le 30 mai, il embarque en chemin de fer à Revigny et débarque au pied des coteaux du Toulois, pour contourner Blénod-les-Toul et Mont-le-Vignoble. Le petit vin des coteaux et les promenades en forêt dans cette riante et fertile région lorraine, près de Domrémy, patrie de Jeanne d'Arc, remet chacun de ces trois mois d'efforts surhumains.

Une pensée pieuse pour nos chers Morts, si nombreux, réunit le Régiment en une brillante cérémonie commémorative à l'église de Blénod-les-Toul.

Mais le commandement a besoin des Divisions qui occupent les secteurs calmes et le Régiment va continuer son repos en tenant un de ces secteurs.

                                                                                                                                                                                           

---> 1916 - II - La Lorraine

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