1917 - II - L'AISNE

- Le 8 avril, le Régiment se met en mouvement, cantonne à Bligny (Montagne de Reims), où les troupes italiennes de l'Armée Berthelot devaient s'illustrer dans une défense héroïque en juillet 1918.

- Il arrive le 13 au camp de Châlons-le-Vergeur. Dans la nuit du 14 au 15, il entre en secteur et vient s'installer aux lisières même de Berry-au-Bac, après avoir passé le pont de l' Aisne sous un bombardement intense. Dès son arrivée, vérification est faite des brèches dans les réseaux adverses.

- Le 16 avril, à 6 heures du matin, le Régiment tout entier sort des tranchées de départ avec un élan magnifique, ayant à sa tête le Lieutenant-Colonel DETRIE qui l'entraîne aux cris de: « En avant ! En avant ! » C'est la ruée en bloc dans les premières lignes allemandes. Puis les Bataillons s'échelonnent l'un derrière l'autre : 1er Bataillon (Commandant SAUGET), 3ème  Bataillon (Commandant WATHIER), 2ème  Bataillon (Commandant BOUCHACOURT). Presque au départ, le Sous-Lieutenant THIBAUT (1re  compagnie) est tué par un obus; mais le barrage allemand a tardé et le Régiment y échappe.

A 6 h. 50, le 1er  Bataillon enlève la Riegelstellung (position intermédiaire) et marque un temps d'arrêt. Le Capitaine LEFEBURE étant blessé, le Lieutenant JACQUET prend le commandement de la 2ème  compagnie, avec laquelle il va suivre l'Aisne pour établir la liaison avec le Régiment de droite, qui est chargé d'enlever la cote 108. A 7 h.52, l'attaque reprend sur la deuxième position (tranchées d'Auguste et du Pylône), qui opposent une vive résistance. A 8 h. 15, la position est enlevée. Le chef de Bataillon BOUCHACOURT est blessé.

Mais les difficultés sont de plus en plus fortes. L'artillerie allemande réagit violemment. L'attaque de la cote 108 n'a pas réussi et le Régiment est soumis à des feux de flanc partant de la rive gauche de l'Aisne. La 2ème  compagnie réduit au silence quelques mitrailleuses et continue sa marche le long de la rivière jusqu'au bois de Pergame, où le Lieutenant Jacquet l'installe avec un calme et un sang-froid imperturbables. Le Lieutenant FORTIS, blessé au pied, continue, pieds nus, après un pansement sommaire. Le Lieutenant PIERRE, de la C. M. 3, est blessé mortellement.

Vers 9 heures, le Régiment, battu à courte distance par des feux rasants de mitrailleuses, stoppe. Seule, entraînée par son vaillant chef, le Capitaine LETURMY, secondé par l'Adjudant THOVERON, la 3ème  compagnie, que le soldat PHILIPPOT déride par ses plaisanteries, continue à progresser en utilisant le boyau du Camp-de-César.

En même temps, le Sous-Lieutenant MASSARD, coutumier des faits héroïques, se jette, revolver au poing, avec le Caporal BOISENFREY, sur des mitrailleuses. Ils s'emparent de deux pièces après en avoir tué les servants. En dépit des plus grosses difficultés, le Capitaine, LETHURNY continue à entraîner sa compagnie, qu'il établit perpendiculairement au boyau, devant une batterie allemande installé e au carrefour du Capitole et qui débouche à zéro. Cette batterie, contrebattue à coups de grenades et d'obus V. B., est réduite au silence.

Mais l'ennemi s'est ressaisi, car, partout ailleurs, l'attaque est déjà enrayée et des renforts, sortis de Guignicourt, garnissant la crête au Sud du village, balayent le glacis de feux violents. La reprise du mouvement en avant est impossible. Le seul espoir est mis dans l'intervention des chars d'assaut, dont l'arrivée est annoncée. Mais un retard de plusieurs heures se produit dans leur arrivée et ce n'est qu'à 15 heures qu'ils apparaissent, voulant en dépit des circonstances, prendre leur part à la bataille. A peine arrivent-ils à hauteur des premiers éléments que, pris à partie par l'artillerie allemande prévenue, ils sont mis hors de combat.

A cent mètres du 1er bataillon, quatre d'entre eux sont en feu; leurs braves servants en sortent comme des torches vivantes, deux d'entre eux peuvent être recueillis par nous.

En dépit de cet élan superbe, et d'une avance de plus de trois kilomètres, force est au Régiment, qui déjà se trouve dans un saillant dangereux, de s'organiser sur place. A la nuit, des tranchées sont immédiatement creusées, avec bastions flanquants vers l'Aisne, car le 94ème ,  qui vient d'inscrire une nouvelle page glorieuse à son histoire, ne veut pas céder un pouce de ce terrain si chèrement conquis, après avoir fait 250 prisonniers, dont 4 officiers, pris 7 mitrailleuses et 1 canon-revolver.

- Le 17 au matin, après une nuit de travail acharné, la position est solide et, lorsque, dans l'après-midi, deux contre-attaques successives sont lancées, elles sont brillamment arrêtées et laissent de nombreux cadavres sur le terrain. Le Fusilier-Mitrailleur MONGE, de la 2ème compagnie, gêné pour tirer, s'installe froidement sur le parapet, ajuste son tir et touche à chaque coup.

Le Caporal PELLETIER et le soldat RICHET, de la C.M. 1, empêchent, grâce à l'initiative et au sang-froid de leurs chefs, les braves Lieutenants MANIN et FERANT, une batterie d'arti11erie ennemie de prendre position, tuant chevaux et hommes.

Le brancardier TOUPIN, d'un dévouement admirable, relève sans arrêt les blessés sous les bombardements les plus violents, faisant preuve d'un flegme remarquable, encourage ses camarades et donne à tous le plus bel exemple de fidélité au devoir.

Tant que la cote 108 ne sera pas en notre possession, l'attaque ne saurait être reprise et les travaux continuent. Le chef de Bataillon Darney prend le commandement du 2ème  Bataillon.

- Le 29 avril, le Régiment appuie avec ses mitrailleuses, surtout celles de la C. M. 2, sous les ordres du Lieutenant ENGUILABERT, un vieux brave de l’Yser et de l’Argonne, une attaque sur la rive gauche de l'Aisne.

- Le 1 er mai, il est mis au repos au camp baraqué de Vaux-Varennes, où un service religieux est célébré en plein air à la mémoire des morts et une revue passée par le Général PASSAGA, qui félicite le Régiment et lui donne l'espoir de se voir accorder la Fourragère.

- Du 7 au 18 mai, le Régiment est à nouveau en secteur au bois des Consuls. Il part ensuite au repos par Aougny et Beuvardes à Epaux-Bézu (près de Château-Thierry), où, dans une superbe solidarité, une fête réunit le 94ème  et le 2ème Bataillon de Chasseurs, qui a voulu faire honneur à son ancien chef, si aimé de tous, le Lieute nant-Colonel DETRIE.

- Le 29 mai, le Régiment se rend à Provins, où il séjourne du 31 mai au 6 juin, par Nogent-l'Artaud et Saint-Rémy. Une magnifique revue est passée à Provins par le Général Gouraud, commandant la IVème  Armée.

- Le 7 juin Le Régiment cantonne à Pont-sur-Seine, les 8 et 9 à Méry-sur-Seine, le 10 à Bessey et arrive le 11 au camp de Sainte-Tanche (partie Sud du camp de Mailly, près d'Arcis -sur-Aube).

- Le 16 juin, le Général PASSAGA passe en revue la 42ème  Division et remet la Fourragère au Drapeau du Régiment, conférée par ordre du Général PETAIN, à la suite de sa deuxième citation à l'ordre de l'Armée:

Ordre Général N° 237

« Le Général commandant la Vème  Armée cite à l'ordre de l'Armée le 94ème Régiment d'Infanterie:

- Sous l'ardente impulsion de son chef, le Lieutenant-Colonel DETRIE le 94ème  Régiment d'Infanterie s'est élancé, le 16 avril 1917, à l'attaque de positions ennemies fortement organisées, les a enlevées d'un seul élan. Méprisant les barrages d'artillerie et les tirs de mitrailleuses, qui, le prenant de flanc, lui causaient des pertes sensibles, il atteignait les objectifs qui lui étaient assignés, capturant 200 prisonniers, 2 canons de 37, 8 mitrailleuses, 3 lance-bombes et d'importants approvisionnements de munitions.

Le 94ème  s'est ensuite installé sur les positions qu'il avait conquises et, malgré de fortes contre-attaques et un violent bombardement, les a intégralement maintenues.»

Le Général commandant la Vème Armée: Signé: MICHELER.

- Le 20 juin, le Président de la République et le Ministre de la Guerre viennent passer en revue le Régiment, et le félicitent pour sa belle tenue et sa vaillance.

- Le 24 juin, en présence des Généraux GOURAUD, PASSAGA, DEVILLE et MARGOT, et d'une majeure partie des officiers de la Division, le Régiment fête sa Fourragère par de superbes exercices présentés par les compagnies, une reconstitution d'escrime ancienne, une saynète à la gloire de la « Jeune Garde » et un défilé des vieux drapeaux et des fanions du Régiment. ,

Le Commandant SAUGET (1er  Bataillon) est nommé Lieutenant-Colonel et va prendre le commandement du 32ème Régiment d'Infanterie.

                                                                                                                                                                                                  

--->   1917 - III - Verdun

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site