Odyssée de la Harka 8 - Témoignage

TEMOIGNAGE - ODYSSEE de la HARKA 8 - Edgar Quinet

L'HONNEUR DE CHEFS DANS LE RESPECT DE LA PAROLE DONNEE

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       Cette narration a le mérite d'éclairer la grande histoire de l'engagement des officiers de l'armée française aux côtés de nos frères harkis pour l'Algérie Française!
Transmise par notre administrateur, Michel Carbonnier, ami du général Claude Ascensi. 

  Créé par le lieutenant Wrenacre, l'insigne de la Harka 8 porte la croix de Lorraine qui évoque tout à la fois son rattachement à la 13° DBLE et le retour du général de Gaulle aux affaires. L'inscription "Algérie française" et le soleil levant qui l'accompagne témoignent de l'espoir de renouveau engendré par les événements du 13 mai. Le bandeau vert et rouge rappelle l'origine Légion de la Harka et l'insigne de la 13.                                                                          

Le 94° RI est resté imprégné de l'Histoire de nos Harkis

Nous sommes redevables au Général de Corps d'Armée Claude ASCENSI (2 S) d'un texte précis et documenté sur l'histoire peu commune de la Harka 8

Tous les collectionneurs connaissent l'insigne de la Harka 8, seul insigne de la guerre d'Algérie ayant porté, à ma connaissance, l'inscription "Algérie française". Notre ami Cyril Edmond-Blanc lui a consacré un article dans le bulletin de "Symboles et Traditions" n°16 de 19641. C'est sur la deuxième partie de cet article qui relate la fin de la Harka 8 que je voudrais revenir aujourd'hui pour y apporter d'importants correctifs. Rappelons d'abord ce qu'était cette unité.

En 1959, lors du départ de cette unité pour Bougie, la Harka 8 est affectée au 2ème bataillon du 94° Régiment d'infanterie commandé par le colonel Parisot qui cumule ses fonctions de chef de corps avec celles de commandant du secteur de Kenchela.
 En novembre 1959, le colonel Parisot désigne le lieutenant Jean Nouzille pour prendre la tête de la harka. Cet officier, qui avait déjà créé et commandé la harka de Babar (Némencha) en 1957-58, restera à la tête de la Harka 8 jusqu'à sa dissolution le 9 avril 1962. Le hasard veut qu'il soit né à Bourg-en-Bresse, ville natale … d'Edgar Quinet !


De retour à Edgar-Quinet, la harka reprend ses activités opérationnelles et inflige de nouvelles pertes à l'ennemi jusqu'au 2 mars 1962, date du dernier accrochage. Quelques jours avant le cessez-le-feu du 19 mars, une mesure maladroite du nouveau commandant du II/94° RI inquiète les harkis et va être à l'origine de la rumeur durable sur leur abandon et leur fin tragique. En effet, le 15 mars 1962, une lettre anonyme adressée au poste de sécurité militaire de la 21° Division d'infanterie révèle que la harka possède un important stock d'armes et de munitions non déclaré et qu'elle pourrait prendre le maquis, côté "Algérie française", il va sans dire.

Le commandant du II/94° RI décide alors, sans en avertir le capitaine Nouzille, de faire récupérer cet armement en intervenant personnellement avec des soldats de souche européenne, appuyés par la section de half-tracks. Il s'agit de saisir 46 armes de guerre et de chasse (2 FM, 19 PM, 22 fusils de guerre, 2 fusils de chasse et une carabine). Ces armes prises à l'ennemi n'ont pas été déclarées par le chef de harka pour, selon ses déclarations, "pouvoir être utilisées dans des opérations risquées au cours desquelles des armes en dotation réglementaire auraient pu être perdues". Elles sont à ajouter au bilan de la harka signalé ci-dessus. Après une discussion – que l'on peut imaginer orageuse – entre le capitaine Nouzille et son chef de bataillon, une petite partie de cet armement est laissée à la harka, mais l'essentiel est saisi sur le champ. 


Le 16 mai 1962, un télégramme n° 125/IGAA signé du ministre d'Etat chargé des affaires algériennes, Louis Joxe, qui a eu en charge la négociation avec le FLN, demande au "Haut-commissaire de rappeler que toutes initiatives personnelles tendant à installer en métropole des Français-Musulmans sont strictement interdites et d'en aviser d'urgence les SAS et les commandants d'unités". Ces instructions ne seront retransmises ni par  le général commandant la 21° DI et la zone sud-constantinois ni par le colonel commandant le 94° RI et le secteur de Kenchela.
Au mois de juin, les bataillons du 94° RI reçoivent l'ordre de repli. Le I/94° RI doit se regrouper à Kenchela et le II/94° RI à Batna.


Le 10 juin, à Edgar-Quinet, le capitaine Nouzille fait établir pour chaque gradé et harki de la Harka 8  une attestation indiquant "que l'intéressé est menacé de mort et qu'il doit être  de ce fait rapidement envoyé en métropole". Il la fait signer le même jour par le chef de bataillon commandant le II/94° RI.  Le 12 juin, les unités du II/94° RI quittent Edgar-Quinet. Le capitaine Nouzille est le seul officier à rester sur place avec un détachement postcurseur. Il dispose d'un élément de combat et de la section de half-tracks qu'il a postés dans le cantonnement de la Harka 8  pour protéger les harkis et leurs familles. Il interdit aux éléments de l'ALN déjà présents à Edgar-Quinet de s'approcher du dispositif. Le même jour, en fin d'après-midi, il rassemble les harkis des Harkas 8 et 3 (relevant également du 94° RI) pour leur exposer la situation et leur conseiller de partir.

La plupart des familles décident de suivre ce conseil et sont embarquées le soir même dans une vingtaine de camions bâchés dont les bancs centraux ont été démontés pour permettre de loger le maximum de personnes. Ils seront escortés par la section de half-tracks commandée par le sous-lieutenant de réserve Jean-Claude Poulain. A la tombée de la nuit, le convoi rejoint Kenchela ou d'autres harkis du secteur ont été déjà rassemblés.  Le 13 juin, à 03h00 du matin, un important convoi, accompagné de blindés, quitte Kenchela en direction de Bône. 

Vers 10h00, en traversant Le Khroub, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Constantine, de violents incidents éclatent avec la population locale qui insulte les harkis et les menace de haches et d'armes blanches. Une grenade défensive est lancée dans l'avant dernier camion, tuant le caporal Serhani Abdallah ben Abdelhafid et l'un de ses fils, Ahmed, âgé de 13 ans. Les deux derniers véhicules du convoi et le blindé de queue sont bloqués par la foule qui veut lyncher les harkis et leurs familles.

Un avion de combat vient survoler Le Khroub, ce qui débloque la situation et permet à une ambulance militaire française accompagnée de blindés de récupérer les victimes pour les évacuer sur l'hôpital militaire de Constantine. L'avion et les blindés accompagnent  le convoi jusqu'à sa destination.  A leur arrivée à Bône, les harkis et leurs familles sont installés sur la plage, puis conduits, avec une forte escorte, jusqu'au port où ils embarquent sur un bâtiment de guerre.


Les réfugiés débarquent à Marseille le 18 juin 1962 pour être dirigés vers le camp du Larzac  où va commencer pour eux une vie fondamentalement différente. Au cours des années suivantes, en fonction des possibilités d'emploi, les anciens harkis de la Harka 8 et leurs familles se disperseront en plusieurs groupes dans les régions d'Aurillac, de Bourges, de Roubaix et de Marseille mais quelques uns resteront dans les camps pendant de nombreuses années encore. Dans l'ensemble, les anciens de la Harka 8 se sont bien intégrés sans avoir bénéficié d'aides particulières. Surtout, ils ont, depuis 1962, toujours gardé le contact avec leur ancien commandant de harka jusqu'à sa disparition5, il y a seulement deux ans.


Il était important, à mes yeux, de rétablir la vérité sur l'histoire  de la Harka 8 et sur les cadres du 94°RI 
  injustement accusés d'avoir abandonné leurs hommes. Le colonel Parisot, chef de corps en 1961, ancien de Narvick, a du reste payé de longues années de détention son engagement dans la défense de l'Algérie française. Devenu doyen des saint-cyriens, il a disparu en février 2010, à l'âge de 100 ans, n'ayant renoncé ni à ses convictions, ni à son franc-parler. Mis tardivement au courant du sauvetage de la Harka 8 que lui-même croyait disparue dans la tourmente, il a fait apposer, en 2004, dans la salle d'honneur du 94° RI, à Bar-le-Duc, une plaque de marbre portant l'inscription suivante : 1962
Refusant la honte de l'abandon prescrit le Capitaine Jean NOUZILLE a sauvé nos harkis de l'Aurés.

Cette mise au point me tenait d'autant plus à cœur que j'ai eu l'honneur de commander, de 1987 à 1989, le 94° RI, Régiment de la Garde, et que l'insigne de la Harka 8 que je possède m'a été offert, en 1967, par le capitaine Nouzille, alors officier de tir au camp de Münsingen …

Général (2° Son) Claude ASCENSI

(1) Article que l'on peut consulter sur notre site, partie "accès réservé".

(2) Après la seconde Guerre Mondiale, le lieutenant Wrenacre s'installe au Moyen-Orient avant de reprendre du service à titre étranger au début de la guerre d'Algérie. Affecté au II/13° DBLE, il est désigné pour commander la Harka 8. Muté au 1° Régiment étranger à compter du 1er janvier 1960, il quitte la Légion étrangère pour participer à l'encadrement de la gendarmerie katangaise en rébellion contre le pouvoir central au cours des événements qui ont suivi l'indépendance du Congo belge. Le lieutenant Wrenacre sera tué par ses hommes dans des circonstances tragiques au nord d'Elizabethville (Lubumbashi)

(3) Il appartient à la 2° Promotion, celle de 1942, portant le nom de "Bir-Hakeim".

(4) Selon le colonel Nouzille, cette rumeur, comme d'autres, aurait été diffusée par un officier appartenant à la harka n° 42 de Foum-Toub. Elle a été reprise dans plusieurs ouvrages et articles de presse.

(5) Le colonel Nouzille, historien, docteur d'Etat, était un spécialiste reconnu des Balkans auxquels il a consacré de nombreux ouvrages qui font référence.

(6) Le 94° RI était le régiment de tradition de Bar-le-Duc. On y trouve, entre autres, le boulevard du 94° RI et le monument aux morts du 94. En 1993, à la dissolution du régiment, la mairie a consacré une de ses salles au souvenir du régiment. En 2008, le Centre d'entraînement au combat en zone urbaine (CENZUB), installé au camp de Sissonne, a repris les traditions du régiment et la mairie lui a confié les souvenirs qu'elle détenait, dont la plaque du colonel Parisot. 

Cette plaque de marbre comporte: ''La GARDE'' - 1962 - Refusant la honte de l'abandon prescrit , le Capitaine Jean Nouzille a sauvé nos Harkis des Aurès.''

PS_ En faisant une mise à jour du site, j'ai eu à connaître ce témoignage concernant le 2/94° RI et tout particulièrement l'attachement que nous avions avec nos Harkis. Je pense que ce témoignage ne peut qu'appuyer l'esprit dans lequel a été conçu ce site sous l'impulsion de notre ancien Capitaine du L 134 le Général Claude GIRARD. Il a fait ce qui était en son pouvoir d'informer les Harkis de Aïn Mimoun et de les laisser armés et leur donnant argent et vivres.

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