18 - La bataille d'Iéna - 1806

Dans le contexte d'une 4ème coalition

Prélude

Encouragés par ce dramatique échec de la campagne de Russie, les rois reprennent les armes contre la France. Malgré deux victoires remportées en Allemagne (Bautzen et Lutzen), une partie de ses alliés allemands trahit Napoléon sur le champ de bataille même de la bataille de Leipzig, aussi appelée « Bataille des nations », qui voit s’opposer 180 000 Français à 300 000 alliés (russes, autrichiens, prussiens, suédois). La défaite subie ce jour là est décisive. Le maréchal Poniatowski, prince polonais et neveu de Stanislas II, dernier roi de Pologne, y perd la vie en tentant de traverser l’Elster avec ses hommes. On dénombre 100 000 morts et blessés.

La bataille d'Iéna s'est déroulée le 14 octobre 1806, à Iéna, (Allemagne, actuel land de Thuringe) parallèlement à la bataille d'Auerstaedt, et s'est terminée par une victoire totale des Français commandés par Napoléon contre les Prussiens commandés par le général de Hohenlohe, pendant la Campagne de Prusse et de Pologne.

En août 1806, l'Europe semble en paix : l'Autriche désarme ; le Royaume-Uni, ruiné par la guerre et démoralisé par la victoire française sur le continent, fait tout pour trouver un accord avec la France, surtout depuis la mort de William Pitt et son remplacement par Charles James Fox tandis que le royaume de Naples est occupé, obligeant son roi à s'exiler en Sicile.

Pourtant, Frédéric-Guillaume III de Prusse est très inquiet lorsque Napoléon réorganise, sans le tenir informé, le Saint-Empire en Confédération du Rhin, cette dernière trop favorable à la France : les principaux États qui la composent sont sous son protectorat. De plus, Napoléon voudrait restituer le Hanovre à son ancien propriétaire, le Royaume-Uni. Or, depuis moins de six mois, ce territoire est occupée par la Prusse, en échange de sa neutralité avec la France, pendant que la Grande Armée est occupée en Bavière et en Moravie contre les unités russes et autrichiennes de la troisième coalition.

Pendant les mois d'août à septembre, la reine de Prusse, Louise de Mecklembourg-Strelitz, attise la haine de l'armée et de la population prussiennes à l'encontre des Français : les officiers de l'armée royale se plaisent à aiguiser leurs sabres sur les marches de l'ambassade de France à Berlin tandis que Frédéric-Guillaume III de Prusse lance à qui veut l'entendre :

« Pas besoin de sabres, les gourdins suffiront pour ces chiens de Français. »

Alexandre Ier, tsar de toutes les Russies et Frédéric-Guillaume III de Prusse se rencontrent à Potsdam, et jurent sur le tombeau du grand Frédéric II de Prusse de ne plus jamais se séparer avant la victoire sur la France.

La Prusse, la Russie, la Suède, la Saxe et le Royaume-Uni (à la mort de son Premier ministre Fox, le 14 septembre), forment la quatrième coalition et mobilisent leurs troupes le 9 août. L'armée prussienne est divisée en trois groupes : Un sous les ordres de Charles Guillaume Ferdinand, duc de Brunswick (70 000 hommes), un autre sous le commandement du prince de Hohenlohe (50 000 hommes) et un troisième sous Rüchel et Blücher (30 000 hommes).

 Le 4 octobre, Napoléon reçoit un ultimatum l'invitant à se retirer de la rive droite du Rhin avant le 8 octobre.

 Le 6, on fait lire à la Grande Armée un bulletin qui annonce :« Soldats ! L'ordre de votre rentrée en France était déjà donné, des fêtes triomphales vous attendaient. Mais des cris de guerre se sont fait entendre à Berlin. Nous sommes provoqués par une audace qui demande vengeance. » 

La Grande Armée (180 000 hommes) envahit la Prusse, ayant pour objectif Bernlin. L'avant garde sous les ordres du maréchal LANNES repousse un corps prussien  prussien à Saalfeld le 10 octobre.

Le prince Louis Ferdinand de Prusse, le neveu du grand Frédéric, y trouve la mort en combat singulier. L’armée prussienne résiste. 

Fichier:Iena.jpg

Napoléon passant en revue " La garde "

La cavalerie de Murat est envoyée en reconnaissance dans la plaine de Leipzig, mais sans résultat. En fait, les Prussiens ont décidé de se replier vers le Nord, ne laissant sous les ordres de Hohenlohe qu'une forte arrière-garde à Iéna. Napoléon s'y dirige alors avec le gros de ses troupes. Il donne l'ordre à Davout de marcher sur Naumbourg, à une soixantaine de kilomètres au sud de Leipzig, pour prendre l'ennemi à revers et frapper ses arrières. Bernadotte est laissé en réserve, sur les hauteurs de Dornbourg, et doit prêter main-forte à Davout en cas de problèmes.

Le 13 octobre, à la tombée de la nuit, Lannes arrive devant Iéna, que les Prussiens viennent d'abandonner. La ville est ravagée par les incendies nés des pillages. Ce site convient mal pour une bataille rangée. Il s'agit d'une vallée très encaissée, entourée d'une dense forêt. Au nord-ouest, le plateau de Landgrafenberg atteint 350 mètres, mais les Prussiens ont négligé de le garder, estimant ses pentes infranchissables.

La légende raconte que c'est un prêtre saxon, n'admettant pas l'alliance forcée de son pays avec la Prusse, qui guida l'état-major de Lannes, par un sentier étroit et caillouteux, qui servait habituellement à conduire les chèvres jusqu'au sommet. Napoléon fit aussitôt armer ses bataillons de pics et de pelles pour élargir le passage afin de faire passer l'artillerie française, bloquée en bas du chemin. L'Empereur dirigeait lui-même l'opération, n'hésitant pas à encourager et aider ses soldats. Tout le centre était « massé » sur ce plateau, la poitrine de chaque homme touchant le dos du soldat placé devant lui. La seule route d'accès vers la vallée est bien gardée par les troupes saxonnes.

Napoléon improvise aussitôt une manœuvre inverse de celle d'Austerlitz : Il conquiert à l'insu de son ennemi un plateau qui lui assure une situation dominante. Il surplombe ainsi l'armée prussienne concentrée juste devant lui.

L'armée française progresse, avec de gauche à droite, les corps d'Augereau, de Lannes, de Ney et enfin de Soult. La garde impériale est en retrait, entre Augereau et Lannes, ainsi que la cavalerie de Murat, placée à l'extrême droite. Par contre, l'armée prussienne entre en ordre de bataille, en deux colonnes parfaitement alignées, comme pendant la guerre de Sept Ans. Le corps du prince von Rüchel (30 000 hommes) est placé sur le flanc droit prussien, en renfort. Mais celui-ci trop éloigné, ne peut participer immédiatement à la bataille.

À six heures du matin, Napoléon donne l'ordre de l'attaque. Les Prussiens, mal réveillés et ébahis, s'attendent à voir déboucher les Français sur leur droite. Ils soutiennent avec succès l'assaut d'Augereau , mais il s'agit d'une opération de diversion. 

 

La surprise des Prussiens est totale lorsqu'ils voient surgir du brouillard 30 000 hommes qui prennent leur flanc gauche.

 

Immédiatement, Lannes bouscule la réserve du général Tauentzien tandis que Soult progresse par la droite en écartant la menace du général Höltzendorf. Augereau avance par la gauche et se heurte à la division saxonne Von Zerschwitz. Hohenlohe fait reculer Tauentzien et avancer la division Von Grawert pour maintenir la ligne.      

 

iena-2.jpgNapoléon manoeuvrant à Iéna

Napoléon stabilise le front en alignant ses ailes par rapport à son centre, mais Ney, enthousiaste, continue son avancée et fait charger ses troupes. Il se retrouve vite au milieu des lignes adverses. Hohenlohe contre-attaque avec toute sa cavalerie, soit vingt escadrons. Aidé de l'artillerie, Ney redresse la situation.

Le général prussien Hohenlohe, visionnaire militaire de son temps, sait que ses hommes n'ont pas été entraînés, et que la bataille va sûrement être perdue. Son ami, le général Messembach, le rejoint au moment où la situation devient critique. Vers midi, les lignes prussiennes sont enfoncées. Les Saxons au sud tentent de porter assistance au centre prussien mais se heurtent au corps d'Augereau qui les repousse. L’armée prussienne entame son repli quand apparaît la colonne du général von Rüchel aux alentours du village de Kapellendorf, marchant au canon. Celle-ci arrive malheureusement trop tard pour sauver ce qui reste des Prussiens, et ces renforts ne tiennent pas face à l'élan des troupes impériales toujours plus nombreuses sur le plateau. En peu de temps, ces forces se joignent aux fuyards qui quittent le champ de bataille.

Contrairement à Austerlitz, où Napoléon n'avait pas fait poursuivre par un nombre de soldats conséquents les Russes et les Autrichiens battant en retraite (seule la cavalerie de Murat s'est élancée sur leurs traces, sans intention de détruire ce qui restait de l'armée ennemie), cette fois, il donne l'ordre de s'élancer sur les traces des Prussiens.Murat progresse si vite qu'il saisit à l'entrée de Weimar l'artillerie et les bagages des Prussiens.    

Fichier:Chartier-Murat at Jena.jpg

Murat à la tête de ses hussards

La reine Louise de Prusse, « âme damnée » de la guerre, s'enfuit par une porte de la ville tandis que les Français entrent par l'autre. Excellente cavalière et surtout plus légère, elle avait, quelques heures plus tôt, déjà réussi à semer les dragons français.

Conséquences immédiates

La bataille d'Iéna est combinée à celle d'Auerstaedt, qui se déroule le même jour, et voit le triomphe de Davout, qui avec seulement 27 000 hommes, vainc les 57 000 soldats de Brunswick. L'armée prussienne perd dans la même journée environ 43 000 hommes et toute son artillerie. Ces défaites jettent les Prussiens dans le désarroi. Ainsi, on vit 500 hussards français commandés par le général Lasalle capturer à eux seuls et sans résistance une forteresse ennemie. Il n'y a plus d'armée prussienne. Le 17 octobre, Bernadotte écrase le prince de Wurtemberg.

Dès le lendemain de la bataille, Napoléon fait mander les officiers saxons prisonniers et leur fait jurer de ne plus prendre les armes contre lui. Les chevaux des cavaliers saxons permettront la remonte des dragons à pied français. Diplomatiquement, des pourparlers sont engagés avec le prince électeur de Saxe, qui rejoindra l'alliance française et la Confédération du Rhin quelques semaines plus tard, y gagnant ainsi un titre de roi.

Fichier:Charles Meynier - Napoleon in Berlin.png

Napoléon et ses généraux font leur entrée à Berlin

 Napoléon entre à Berlin à la tête de ses troupes. Charles Meynier, 1810 Le 27 octobre 1806, soit moins d'un mois après être entré en campagne, Napoléon entre à Berlin. Le 28, Murat capture le prince de Hohenlohe et toute son armée (16 000 hommes, 6 régiments de cavalerie, 60 canons et autant de drapeaux). Le 7 novembre, Blücher capitule à Lübeck.

 Enfin, Ney met fin à la chasse à courre, selon l'expression d'un général prussien, s'empare de Magdebourg, et capture 15 000 hommes et un parc d'artillerie de plusieurs centaines de canons, fraîchement livrés par les Britanniques. L'armistice est signé le 30 novembre.

 Le sort de la Prusse est décidé le 9 juillet 1807 par le traité de TilsitElle est amputée de la moitié de son territoire et de la majorité de ses places fortes (Magdebourg, Erfurt, Stettin, Graudenz, Dantzig), la plupart à l'ouest de l'Elbe.    L'armistice est signé le 30 novembre. Le sort de la Prusse est décidé le 9 juillet 1807 par le traité de Tilsit. Elle est amputée de la moitié de son territoire et de la majorité de ses places fortes (Magdebourg, Erfurt, Stettin, Graudenz, Dantzig), la plupart à l'ouest de l'Elbe. Elle perd 5 millions d'habitants et doit payer une indemnité de guerre considérable, soit 120 millions de francs de l'époque.

Conséquences dans l'histoire allemande

La défaite d’Iéna va déclencher un violent nationalisme allemand qui conduira à l'unification de la nation allemande au cours du XIXe siècle.

La défaite prussienne provoque un traumatisme au sein de l’élite prussienne et allemande2. Des réformateurs tels que Clausewitz et Fichte vont prendre conscience de la nécessité de transformer la vieille Allemagne en un État moderne et unifié afin de rivaliser avec la France3. Les Allemands sortent humiliés et fascinés par l’occupation française et sont contraints de l’imiter pour s’en sortir. La France servira donc à la fois de modèle et de repoussoir pour l’unité allemande4 : le nationalisme allemand sera à la fois teinté de francophobie et nourri du libéralisme politique issu de la Révolution française.                                                                           

 --->  19 - la bataille d'Eylau

 

  27 - La bataille de Leipzig - 1813 - 1/2

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site

×