17 - 4 Bataille d'Austerlitz (L'hallali)

Bataille d'Austerlitz (L'hallali)

 L'attaque du plateau de Pratzen

La surprise est totale chez les Russes : les colonnes de Przybyszewski et de Kolowrat sont assaillies de flanc et en plein mouvement. Les divisions de Saint-Hilaire et de Vandamme chargent et s’enfoncent à l’arme blanche dans les rangs russes. Le combat, d’une rare violence, ne dure que quelques minutes. Les Russes de Kollowrath sont culbutés, entraînant les soldats de Pryzbyszewski dans leur débandade. À 9 heures, les Français sont maîtres du plateau, au sommet duquel Soult installe ses canons.

Koutouzov, voyant ses pires craintes se confirmer, prélève alors des unités des troupes d'Andrault et de Dokhtourov pour reprendre Pratzen. Ces ordres provoquent ainsi dans la 1re et 2e colonne une véritable cohue entre les unités descendant du plateau et celles montant à l’assaut. Le général Andrault envoie un de ses régiments à l’attaque : l’artillerie de Soult le harcèle pendant qu’il remonte le plateau, creusant de larges trous dans les rangs serrés des Russes, puis une décharge de la mousqueterie de Saint-Hilaire force Andrault et ses troupes à abandonner. Pour aider Soult Napoléon envoie Bernadotte, jusque-là tenu en réserve, au nord du plateau tandis que la Garde Impériale est envoyée à Pratzen.

Vers 11 heures, Koutouzov envoie toutes ses réserves reconquérir le plateau : il envoie les 4 000 soldats de la garde à pied russe. Mais celle-ci, mal commandée et peu entraînée, part de trop loin et arrive essoufflée devant le 4e régiment de ligne français. Commandés par Joseph, le frère aîné de Napoléon, les voltigeurs français prennent rapidement le dessus sur l’élite de l’armée russe et les poursuivent.

Profitant de la faiblesse de cette unité de voltigeurs, infanterie légère peu armée qui n’aura pas le temps de se former en carré, seule formation d’infanterie efficace contre la cavalerie, Koutouzov contre attaque en envoyant dix escadrons de cavalerie lourde. Le choc est brutal et après une vaine résistance des Français, les cavaliers russes s’emparent de l’aigle du régiment. Aussitôt, Rapp et Bessières, accompagnés de leurs 375 chasseurs à cheval de la Garde, 48 mamelouks et 706 grenadiers à Cheval de la Garde chargent les Russes en deux vagues en criant : « Faisons pleurer les dames de Saint-Pétersbourg ». À un contre quatre, les Français se battent furieusement («  un mamelouk revient à trois reprises apporter à l’Empereur un étendard russe ; à la 3e fois, Napoléon veut le retenir, mais il s’élance de nouveau et ne revient plus », tiré des Cahiers du capitaine Coignet) et les chevaliers de la Garde de Constantin sont battus. Leur chef, le colonel Repnine (de), fait prisonnier, est présenté comme « trophée » à Napoléon.

Avec l’échec de la Garde russe, la bataille est perdue pour les Alliés : l’armée est coupée en deux. Au sud, Andrault et Dokhtourov, isolés, battent en retraite tandis qu’au nord Bagration résiste aux assauts de Lannes et Murat ; malgré de lourdes pertes, il bat en retraite en bon ordre.

L'hallali

A 14 heures, l’armée alliée est coupée en deux : Napoléon attaque l’aile sud de l’armée austro-russe sans se préoccuper de l’aile nord, provoquant la débandade à travers les étangs gelés de Menitz et Satschan. Carte du département d’histoire de l’Académie militaire des États-Unis.

À 14 heures, Koutouzov étudie seul les voies de retraite, le tsar et tout l’état-major ayant déjà fui une heure plus tôt. Au centre, Kollowrath, la Garde russe et la cavalerie de Liechtenstein sont en pleine déroute et retraitent vers l’est. Au sud, Napoléon ordonne à Soult de quitter le plateau de Pratzen et de couper la retraite aux 1e et 2e colonnes russes, tandis que Davout fait pression à l’ouest et reprend Sokolnitz.

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Bataille d'Austerlitz 

À 15 heures 30, n’écoutant plus leurs officiers, 20 000 Russes fuient en désordre et espèrent échapper à l’encerclement en traversant les marais et les étangs gelés proches des villages de Menitz et de Satschan. Mais quand l’artillerie française tire pour briser la glace, les hommes et leur matériel s'enfoncent dans l'eau. Paniqués et gelés, 2 000 Russes parviennent à regagner la rive où ils sont immédiatement faits prisonniers. La question de l’enfouissement dans les étangs de Menitz des 10 000 Russes a longtemps fait débat : Suchet, chargé par Bonaparte de vider les étangs de Menitz et de Satschan, ne trouva le 4 décembre que 36 canons, 138 chevaux et 3 cadavres ; mais il n’exclut pas que les villageois des alentours n’aient enterré précipitamment des centaines de noyés 4. La victoire française est indiscutable.

Andrault décrit la panique des Russes : « Il faut avoir été témoin de la confusion qui régnait dans notre retraite (ou plutôt de notre fuite) pour s’en faire une idée. Il ne restait pas deux hommes d’une même compagnie ensemble […] les soldats jetaient leurs fusils et n’écoutaient plus leurs officiers, ni leurs généraux ; ceux-ci criaient, fort inutilement, et couraient comme eux. »

Les conséquences

Les pertes

Les Français comptent 1288 morts5, 6 943 blessés et 573 prisonniers6. À chaque blessé, Napoléon offre 3 napoléons d’or (60 francs), de 500 à 2 000 francs aux officiers selon leur grade et 3 000 francs aux généraux. Ils ont récupéré 173 prisonniers (la plupart appartiennent à la division Friant ou à la division Legrand) et ont perdu un drapeau du 4e de Ligne : l’Empereur est particulièrement fâché de la perte de cette aigle impériale.

Les alliés comptent 16 000 morts et blessés et 11 000 prisonniers7[réf. incomplète]. Ils déplorent également la perte de 45 drapeaux, remis aux maires de Paris dans une cérémonie au château de Schönbrunn. Ils iront orner la cathédrale Notre-Dame de Paris pendant un mois avant d’être placés à la voûte de l’église Saint-Louis des Invalides. Les 185 canons pris sont employés pour fondre la colonne Vendôme à Paris.

Conséquences militaires

Koutouzov, qui a perdu son gendre Ferdinand von Tiesenhausen, organise inlassablement la retraite de l’armée russe : celle-ci se regroupe dans la nuit et part pour Göding en franchissant la March, une rivière large comme la Marne servant de frontière entre la Moravie et la Hongrie, puis il retourne en Russie via la Galicie. Andrault présente sa démission, Pryzbyszewski est ramené au rang de simple soldat tandis qu’Alexandre éloigne Koutouzov de l’armée en le nommant gouverneur de Kiev.

Le 3 décembre, Napoléon envoie la cavalerie de Murat poursuivre les Russes, sans succès.

Conséquences politiques

Au soir du 3 décembre, Napoléon reçoit un émissaire de François II : le prince de Liechtenstein. Celui-ci demande l’arrêt des combats pour négocier la paix. Le lendemain, Napoléon et François II se réunissent au Moulin Brûlé, à une vingtaine de kilomètres au sud d’Austerlitz. Les deux souverains conviennent d’un armistice et des principales conditions de paix autour d’un simple brasier. Ils s’entendent même sur la responsabilité du conflit : « Les Anglais sont des marchands de chair humaine » s’exclame l'empereur autrichien. Après une heure d’entrevue, Napoléon demande : « Votre Majesté me promet donc de ne me plus faire la guerre ? » et François II répond : « Je le jure et je tiendrai parole ». De retour à Vienne, acclamé par ses sujets, François II dit à l'ambassadeur français : « Croyez-vous, Monsieur, que votre Maître pourrait ainsi retourner à Paris, ayant perdu une bataille comme je l'ai perdue ? ».

Le 26 décembre, l’Autriche signe le traité de Presbourg (aujourd’hui Bratislava). Elle perd 4 millions de sujets et la Vénétie, capitale pour son commerce à cause de la présence du seul port de l’Autriche, Venise ainsi que ses dépendances d’Istrie et de Dalmatie. En outre, elle doit donner ses territoires allemands, comme le Tyrol, au profit de la Bavière et du Wurtemberg. La France a alors les mains libres pour réorganiser l’Allemagne : la Bade devient un grand-duché tandis que la Bavière et le Wurtemberg deviennent des royaumes. Ces trois États forment en juillet 1806 le noyau de la Confédération du Rhin. Le 6 août 1806, François II renonce à son titre d’empereur Germanique et devient alors l'empereur François Ier d'Autriche, et dissout le Saint-Empire romain germanique. Enfin, l’Autriche paye une indemnité de 40 millions de florins, soit un 1/7 de son revenu national.

La Prusse, effrayée par ce coup de tonnerre, signe, le 16 décembre, à Schönbrunn, un traité d’échange de territoires favorable à la Prusse. Napoléon donne à la Prusse le Hanovre, domaine du roi d’Angleterre, contre les villes de Neuchâtel, Clèves et Ansbach.

À la nouvelle du désastre de l’armée alliée, le Premier ministre anglais William Pitt, responsable de la coalition, demanda à son valet de détacher la carte d’Europe accrochée au mur : « Roulez là, elle ne servira plus dans dix ans ».

Le discours de l'empereur De notre camp impérial d’Austerlitz le 12 frimaire an 14

« Soldats, je suis content de vous. »

« Vous avez, à la journée d'Austerlitz, justifié tout ce que j'attendais de votre intrépidité ; vous avez décoré vos aigles d'une immortelle gloire. Une armée de 100 000 hommes, commandée par les empereurs de Russie et d'Autriche, a été, en moins de quatre heures, ou coupée ou dispersée. Ce qui a échappé à votre fer s'est noyé dans les lacs. Quarante drapeaux, les étendards de la garde impériale de Russie, cent vingt pièces de canon, vingt généraux, plus de 30 000 prisonniers, sont le résultat de cette journée à jamais célèbre. Cette infanterie tant vantée, et en nombre supérieur, n'a pu résister à votre choc, et désormais vous n'avez plus de rivaux à redouter. Ainsi, en deux mois, cette troisième coalition a été vaincue et dissoute. La paix ne peut plus être éloignée ; mais, comme je l'ai promis à mon peuple avant de passer le Rhin, je ne ferai qu'une paix qui nous donne des garanties et assure des récompenses à nos alliés. »

« Soldats, lorsque le peuple français plaça sur ma tête la couronne impériale, je me confiais à vous pour la maintenir toujours dans ce haut éclat de gloire qui seul pouvait lui donner du prix à mes yeux. Mais dans le même moment nos ennemis pensaient à la détruire et à l'avilir ! Et cette couronne de fer, conquise par le sang de tant de Français, ils voulaient m'obliger à la placer sur la tête de nos plus cruels ennemis ! Projets téméraires et insensés que, le jour même de l'anniversaire du couronnement de votre Empereur, vous avez anéantis et confondus ! Vous leur avez appris qu'il est plus facile de nous braver et de nous menacer que de nous vaincre. »

« Soldats, lorsque tout ce qui est nécessaire pour assurer le bonheur et la prospérité de notre patrie sera accompli, je vous ramènerai en France; là, vous serez l'objet de mes plus tendres sollicitudes. Mon peuple vous reverra avec joie, et il vous suffira de dire, "J'étais à la bataille d'Austerlitz", pour que l'on réponde, "Voilà un brave"[8] »

La légende napoléonienne

Récit de la bataille d'Austerlitz par un soldat, le cavalier Blanche

    « L'empereur était immobile. Autour de lui, ses officiers d'état-major. Il levait le bras et le premier venait prendre les ordres et ainsi de suite. Vers le milieu de la journée et alors que la bataille battait son plein, lui descendit de cheval et se fit étendre une couverture. « La bataille est gagnée » dit-il, et il s'allongea. Il s'endormit tandis que le combat continuait de se dérouler. »                                                                                                                                                                             

---> 18 La bataille d'Iéna

 

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